vendredi 21 novembre 2008

ASVA - What you don't know is frontier (2008)

Originaire de Californie, Asva, est un collectif protéiforme réunissant autour de Stuart Dahlquist (ex-Sunn o))), Goatsnake ...) quelques éminences de la scène doom-drone locale, issues de formations comme Earth ou Burning Witch, de même que Trey Spruance (guitariste de Mr Bungle, Fantomas). Au vu du background des musiciens, on peut de prime abord imaginer une musique lente et répétitive, atmosphérique et puissante. Tout juste.
Dès les premières notes, très espacées, ce second album vous aspire dans ses profondeurs abyssales. Le rythme évoque la marche d'un mammouth à demi assoupi, chaque pas provoquant une secousse sismique qui résonne longtemps dans un espace que l'on imagine lui aussi immense. L'impression de puissance qui se dégage est énorme, élémentale, au point de vous faire sentir petit comme au pied de monuments naturels... ou d'une cathédrale, impression sans doute liée à ces nappes d'orgue solennelles qui emplissent le spectre sonore d'une aura diffuse. La lenteur de cette musique pousse à la patience, à la contemplation, à l'errance. Le format de l'album l'impose, d'ailleurs, avec quatre titres allant de 13 à 24 minutes pour un total de 70.
"What you don't know is frontier" révèle ainsi ce face à face avec des contrées inconnues et la tension qui l'accompagne. Une tension quasi constante, au pays d'Asva le ciel est "bas et lourd". La guitare annonce l'orage, se déchirant après l'impact dans la fuzz et la wha. Logiquement intitulé "Christopher Columbus", le second morceau marque l'affrontement avec les terres inconnues, ou les mers inconnues, devrais-je dire, car les grondements de percussions et la tension du morceau évoquent davantage un combat avec un océan déchaîné, à bord d'un navire qui tangue et qui craque. Avec "A game in hell, hard work in heaven", on semble enfin accoster. Une voix féminine aux accents orientaux vient mettre un terme à une impression de solitude jusque là prégnante, avant de s'évanouir, retour face à l'inconnu, au désert. L'air se fait lourd avant une brève crise de tachycardie, qui commence comme un cauchemar et s'achève en révélation. La voix revient, s'envole en choeurs célestes, inonde et éblouit et vous laisse un étrange sentiment de plénitude. La dernière plage amorce la "descente", un manque se crée physiquement, donnant l'impression de chuter dans un gouffre sans fond. Perçant des brumes fantomatiques, une basse et une batterie plombées résonnent en vous et autour de vous. L'ambiance se fait sombre et menaçante, annonciatrice d'un tonnerre drone, avant de basculer dans la seconde moitié du morceau où les nappes sonores se libèrent et s'élèvent en apesanteur tandis que la tension s'efface dans la lumière de l'orgue.
Un album dense et ample qui bouleverse le rapport à l'espace et au temps, n'hésitez pas à repousser vos frontières...
myspace Asva

Refused - The Shape Of Punk To Come (1998)


Album concept et testament des suédois de Refused, "The shape of punk to come" est à la fois la pierre d'angle du hardcore moderne, et un pavé lancé à la gueule du conformisme ambiant à une époque où le punk et le metal devenaient mainstream (le groupe était signé chez Burning Heart, pendant nordique d'Epitaph ou Fat Wreck rds.). Ben oui, à part le punk (pardon, disons hardcore mélodique) et le néo, les pauvres ados privés de leur cher Kurt aux cheveux gras n'avaient plus guère de rage (against the machine?) faisant écho à la leur. Manque d'information sans doute...
Bref, dans ce contexte "désenchanté" (il nous restait Mylène, hem), Refused, figure montante du hardcore européen, lâchait cet album incontournable. Sous-titré "a chimerical bombination in 12 bursts", il renferme douze bombes; grenades ou bombes à fragmentations, en vrac. Des cocktails molotov soigneusement bricolés à la main, artisanalement, qui mirent le feu aux poudres. Ce disque est un véritable brûlot, un manifeste, tant idéologique que musical. "La forme du punk à venir", c'est que justement il n'y en a pas. Le punk vu comme un état d'esprit qui consiste à reconquérir sans cesse sa liberté, quelque soit le contexte. La liberté? Dans la forme. Punk? Dans l'attitude.
Refused mêle hardcore, punk, metal, musette, electro, noise, jazz, kraut, dans des compositions multifacettes, dynamiques, inspirées et follement libres, du plus immédiat "New Noise" (entrez dans le mosh-pit) au très intimiste "The Apollo Programme Was A Hoax", le tout avec une classe folle. Ecoute après écoute, chaque morceau laisse apparaître ses reliefs, ses éclats (d'obus bien sûr...), composant au final une véritable oeuvre d'art, au sens le plus noble du terme. Art-Core? Peu importe.
La révolution a commencé.
myspace Refused
site Refused

Baroness - The red album (2007)

Derrière un magnifique artwork très "art nouveau" réalisé par le chanteur John Dyer Baizley, Baroness livre un album tout à fait dans l'air du temps, mêlant (tout à fait subjectivement) le meilleur de 40 ans de musiques heavy.
Pas très éloigné de Mastodon dans ses ambitions progressives, Baroness substitue toutefois aux influences eighties de ces derniers une inspiration héritée de la décennie précédente, abreuvant leur metal stoner d'une chaleur typiquement seventies, qui se ressent dans le chant puissant et souvent clair et les instruments, mis en valeur par une production limpide.
Dynamique et entêtante, la musique de Baroness se déroule de manière quasi-reptilienne, en souplesse, laissant ses mues le long du chemin, mélodique, hypnotique, psychédélique et ascenscionnelle, puissante et racée, évoquant tour à tour Pelican, Motörhead, Mastodon (bis), Pink Floyd (ces guitares comme des chants de baleines sur l'intro de "Wailing Wintry Wind") ou même Led Zeppelin au court d'un trop fugace intermède acoustique ("Cockroach en Fleur").
Un album mouvant... et captivant.
myspace Baroness